2009-12-16

Réponse à Réjean

Ça traînait dans mes fonds de tiroir... j'avais écrit pour le fun une réponse à un article de Réjean... ça doit dater de la mi-novembre, mais c'est drôle quand même. Ce qui commence par >> vient de moi, le reste de lui.

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Je ne suis pas un fan. Je couvre le Canadien et les sports depuis février 1975. J'ai eu beaucoup de plaisir à faire ce travail. J'ai côtoyé de grands athlètes, j'ai vécu des moments fabuleux, mais je ne suis pas un fan.

>> En 75, je n'étais pas encore né, mais bon. Je suis d'abord et avant tout un fan de hockey. J'aime le CH bien sûr puisque c'est mon équipe locale, mais j'aime le sport en général. Bref, je peux écouter un match Edmonton-Calgary et je vais avoir du plaisir. Bref, je ne me limite pas au CH (et vous monsieur Tremblay, c'est quand la dernière fois que vous avez parlé d'une autre équipe autrement que pour servir un de vos arguments par rapport au CH?). En fait pour être honnête, le seul match que j'ai suivi d'un bout à l'autre cette année, c'est celui que je suis allé voir dans les hauteurs du Centre Bell. J'y vais une fois par année, cette année c'était en octobre. Pour les autres parties, eh bien parfois la télé était ouverte mais je faisais aute chose en même temps.


Il m'est arrivé de tisser des liens personnels avec certains athlètes ou dirigeants du sport, mais ça ne faisait pas de moi un fan. J'aime Guy Lafleur parce que c'est un individu droit et passionné. J'aime Patrice Brisebois parce que j'ai été témoin de ses efforts pour rendre à l'équipe qu'il aimait tant ce qu'il était capable de lui donner. Il était sincère. Même dans ses faiblesses. Mais je n'étais pas un fan. Je n'avais pas de peine quand ils perdaient un match.

>> Fair enough comme le disent les chinois. Là-dessus, on se rejoint. Quand même pas pire non?


Je regarde aller le Canadien depuis plusieurs années et je me désole pour les fans. J'estime que les partisans qui ont vécu les belles années de l'organisation mériteraient qu'on les respecte et qu'on fasse le nécessaire pour leur offrir une vraie bonne équipe.

>> Woups, là ça devient glissant. Parce que faire le nécessaire, c'est mauditement vague et très subjectif. Ce qui est un critère pour un ne l'est pas pour l'autre. À moins bien sûr que vous soyiez le détenteur de la vérité suprême et que vos critères de "ce qui est nécessaire" soient les bons.


Et je pense que les plus jeunes, qui aiment tellement «leurs» Glorieux et qui sont toujours prêts à croire la propagande de l'organisation, mériteraient encore plus qu'on prenne les bonnes décisions et qu'on leur donne l'occasion de fêter et de célébrer comme on l'a fait à Pittsburgh, à Detroit, au New Jersey, à Tampa Bay et ailleurs.

>> C'est vrai que ça fête fort à Tampa. Ils ont été chercher une Coupe quasiment plus par chance que d'autre chose, et depuis, l'équipe est en déroute totale. Au NJ, les gradins sont à moitié vide, ça fête? Et à Pittsburgh quand ça faisait cinq ans qu'ils étaient dans la cave et que l'équipe menaçait de déménager, ils célébraient les fans? Tout le monde est un fan des Penguins ces temps-ci, mais la clé de leur succès, c'est finir en dernière position et avoir des choix au repêchage "no-brainer" comme Malkin, Crosby, Fleury...


Je me dis que cette fidélité et tous ces dollars que des jeunes investissent dans leur passion devraient être récompensés. On pourrait au moins embaucher des gens qui les aiment, qui les respectent et qui ont l'intelligence et la personnalité de leur donner une équipe. Une vraie équipe.

>> Je suis québécois de souche comme le dit la chanson, je suis un fan de hockey ordinaire, et je n'ai jamais senti que le CH ne me respectait pas. Pour ce qui est du "une vraie équipe", j'aimerais vraiment vous voir élaborer là-dessus, parce qu'au fond c'est ça la vraie affaire. Pas un seul journaliste ne semble approcher ce sujet. Le seul qui en parle, c'est Foglia quand il parle de hockey. Mathias Brunet à peine aussi.


Je ne suis pas un fan et je suis payé pour regarder les matchs du Canadien. Et bien honnêtement, les soirs de congé, je préfère faire autre chose que de m'écraser devant un écran de télé pour voir des gars jouer tout croche. Je le répète, couvrir le Canadien est un travail que je fais du mieux que je le peux. Mais ça reste un travail comme la couverture de l'hôtel de ville demeure un travail pour les chroniqueurs municipaux. Ils ne vont pas passer leurs soirées de congé dans la salle du conseil.

Avec les Glorieux, s'ils gagnent, je suis content pour la ville, pour les fans et pour les commerçants qui font de bonnes affaires. Et je suis content pour les joueurs que j'apprends à apprécier en discutant avec eux à l'occasion. S'ils perdent, je vérifie ce que ça change dans mon agenda pour les prochains jours et c'est tout.

>> Encore là, fair enough. Je serais curieux de voir les chiffres de l'impact d'une défaite pour les commerçants. Est-ce que ça a un réel impact? Ce n'est pas une question de mauvaise foi, c'est vraiment de la curiosité.


Quand j'écris que les années de Bob Gainey à la direction générale du Canadien tournent au désastre, je ne le dis pas parce que j'aime Bob ou parce que je le déteste. Ça n'a rien à voir. Bob Gainey, je l'aime beaucoup. Mais quand je réfléchis à sa façon de diriger le Canadien, quand je vois les résultats épouvantables de ses décisions et les conséquences de ses négociations personnelles avec ses homologues et ses employés, j'en conclus que le Canadien s'en va directement vers une période encore plus moche que celle qu'on vient de connaître au cours des dix dernières années .

>> Parlons en des dix dernières années. Dans la LNH, à l'exception de jeunes prodiges tels Crosby ou Ovechkin, le coeur d'une équipe, c'est le groupe de joueurs qui ont autour de 30 ans... ce sont eux qui sont à leur plein potentiel, qui ont l'expérience. Bref, ce sont les joueurs qui ont été repêchés vers la fin des années 90 (soit à l'époque de Réjean Houle, fier québécois). Soyons honnête, le repêchage a cette époque a été épouvantable. Gainey a ses torts, certes, mais quand il est arrivé ici, il avait une équipe nettement inférieure à celle que nous avons ce moment. C'est clair qu'en ce moment ça ne va pas très bien, mais au moins nos meilleurs espoirs ne sont pas Andrei Bashkirov et Johan Witehall.


J'ai longuement commenté l'incapacité chronique de Gainey de dénicher un joueur capable d'aider l'équipe aux échéances de mars. Même pas capable de profiter des enchères pour obtenir une valeur intéressante pour les joueurs qu'il perd pour des pinottes.

>> Effectivement il n'a pas frappé de grand coup à la date limite des échanges. Mais honnêtement, il n'y a pas tant d'autres DG que ça qui en fond. Vous parliez de Détroit, Pittsburgh, Tampa, New Jersey... quels gros coups ont-ils fait à la date limite?


Les transactions sont suicidaires. Pensez à Mike Ribeiro. Pensez à Michail Grabovski. Faudrait que le deuxième choix de 2010 soit miraculeux pour éviter une autre arnaque. De plus, Guy Carbonneau a été sacrifié le printemps dernier dans un moment soigneusement choisi par celui qui le remplaçait. Une série de matchs à domicile contre des équipes faibles. Gainey comme coach a été pitoyable et le Canadien s'est retrouvé dans les séries par la petite porte d'en arrière.

>> Parlez en à Josef Balej. Parlez-en à Craig Rivet. Oui, Gainey s'est planté parfois. Mais par honnêteté intellectuelle, vous devriez aussi mentionner ses bons coups. Même le très conspué Garth Murray a eu une plus longue carrière dans la LNH que Marcel Hossa contre qui il a été échangé! Et ça ne s'écrit pas Michail.


Les problèmes du Canadien sont largement recensés par mes confrères depuis plusieurs semaines. Certains choix au repêchage ont été fort mauvais. Mais surtout, le développement de ces jeunes semble avoir été très quelconque. Soit le repêchage de Trevor Timmins est déficient, soit le développement des jeunes sous la direction de Gainey est faible : dans les deux cas, le responsable est au septième étage du Centre Bell.

>> Et pourtant, ces espoirs ont gagné la Coupe avec Hamilton il y a quoi, deux ou trois ans? Mais c'est vrai qu'ils semblent avoir plafonné, j'espère que Guy Boucher saura remédier à la situation.


Je ne demande pas la tête de Bob Gainey, ce n'est pas de mon ressort. Mais j'estime que les fans et les passionnés du Canadien ont droit à ce que le président de l'organisation, Pierre Boivin, respecte sa parole de mars dernier. Il n'était plus question, assurait-il, que son directeur général jouisse d'une carte blanche.

Non seulement il fait encore à sa tête, mais il a trouvé le moyen de perdre 11 joueurs pendant l'été.

>> Je vois peu de grosses pertes. Dandenault est dans la LAH, Brisebois et Denis à la retraite, Bouillon s'est trouvé un poste à Nashville à la fin du camp. Kostopoulos était sympathique mais est-ce une perte dramatique? Lang j'aurais aimé le revoir, il n'aurait pas coûté cher et il faisait le travail. Schneider était une béquille temporaire et n'avait pas besoin de revenir, Komisarek est surpayé pour sa valeur à Toronto, Tanguay est ordinaire à Tampa (il a même été rayé de l'alignement avant-hier)... Koivu à Anaheim, c'est très moyen aussi. Et Kovalev à Ottawa est parti pour faire moins de 50 points. 11 départs oui, mais à mon avis, peu de grosses pertes.


Autre point. Depuis que Gainey a pris le contrôle total et absolu de l'organisation, les joueurs québécois et canadiens de langue française ont été pratiquement éradiqués. Je trouve que c'est inadmissible. Ça n'a rien à voir avec un nationalisme outrancier ou borné, c'est tout juste une affaire de gros bon sens.

>> Au moins cette fois vous ne parlez plus des entraîneurs francophones. À mon avis, le déclin francophone chez le CH suit pas mal au prorata le déclin francophone de la ligue.


Le Canadien joue à Montréal, la plus grande ville francophone en Amérique. La Presse et les stations de radio et de télévision, qui consacrent beaucoup de moyens à la couverture de l'équipe, servent un marché francophone. Plus de 80% des Québécois parlent français. Et plus de 60% seulement le français.

>> D'où vient ce 60%?


Malgré la mondialisation et malgré l'internet, il reste une réalité écrasante. Notre clientèle, les Québécois, préfère suivre les activités de ses grandes vedettes dans ses médias. La Formule 1 est beaucoup plus populaire quand un Jacques Villeneuve y brille. Même chose pour le NASCAR ou l'Indy. Quand d'autres présidents d'entreprises se sont envolés dans l'espace, on ne les a pas suivis comme on l'a fait avec Guy Laliberté. Et Madonna a ses fans, mais la fille de Charlemagne, c'est quand même Céline Dion.

Et c'est normal, c'est juste sain. Les Espagnols capotent sur Alonzo et Nadal, les Allemands sur Schumacher. Et ces médias nationaux couvrent leurs sports avec un point de vue national. Comme on le fait au Québec.

>> Ok à date vous enfoncez une porte ouverte... et en passant, ça ne s'écrit pas Alonzo.


Cependant, ça va encore plus loin avec le Canadien. Le Québec est une exception dans les deux Amériques. C'est une société francophone qui s'est donné un statut de nation. Ce que les années ont montré, semble-t-il, c'est que l'énergie de cette société semblait se transmettre à ses héros quand arrivait le temps des grandes batailles. On peut parler de Maurice Richard, de Guy Lafleur, de Guy Carbonneau, de Patrick Roy, de Vincent Damphousse, de tous ces grands athlètes qui étaient connectés avec les fans, avec leurs proches et avec leur milieu. Cette spécificité n'existe nulle part ailleurs en Amérique. Pourquoi ne pas continuer à s'en servir? Dans un univers ou la concurrence est féroce comme c'est le cas dans la Ligue nationale, peut-être que ce lien étroit a pu faire une petite différence dans le passé. Mais dans le cours d'une longue saison, dans l'émotion d'une série éliminatoire, toute petite différence devient importante. Je ne dis pas que c'est parole d'évangile, je dis que ça vaudrait au moins la peine d'y réfléchir.

>> Nulle part ailleurs en Amérique? Voyons donc! Demandez à un joueur de soccer du Brésil s'il ne se donne pas un peu plus quand il est chez lui! Demandez à joueur de Mississauga s'il n'est pas une coche de motivation de plus quand il joue pour les Leafs! Même chose pour Calgary, Edmonton... Mais dites-moi monsieur Tremblay, qui sont les joueurs francophones de qualité qui étaient disponibles récemment? Pas des joueurs de troisième trio là... des joueurs d'impact! Et quand ils étaint disponibles, prenez-vous les autres DG de la ligue pour des épais? Pensez-vous qu'ils n'attendent pas Gainey avec des offres majorées parce qu'ils savent l'importance d'un joueur "local"?


Et de plus, le Canadien tire ses revenus de cette même société. Il n'est que normal qu'il puisse contribuer au succès de ses membres qui le méritent. C'est très bien ce qui arrive cette année avec Guy Boucher à Hamilton. Tout le monde est gagnant.

>> Et si dans trois ans les espoirs du CH plafonnent, vous allez en dire quoi de Boucher. Personnellement je pense qu'il est très bon, mais on est jamais aussi bon que notre dernière performance.


Mais cela dit, je le répète, c'est le point de vue de quelqu'un qui est payé pour couvrir le Canadien. Que le Canadien gagne ou perde, c'est La Presse qui compte vraiment. Mais tant qu'à perdre avec le melting pot actuel, aussi bien se rendre utile en contribuant au développement du hockey québécois. Tout d'un coup que ça serait un des éléments de la recette pour redevenir une équipe gagnante.

>> Une plus grande contribution locale serait intéressante, mais encore faut-il que le calibre de jeu local soit bon. Et la LHJMQ me semble être dans un déclin inquiétant.


Si Bob Gainey reste en poste encore plusieurs années, c'est parfait en ce qui me concerne, ça ne changera rien à mon quotidien. Si le Canadien purge l'équipe de tous ses Québécois, je trouve ça insensé et dommage pour les fans, mais je vais écouter Mozart et Chostakovitch quand même. Et Elvis dans le char.

>> Vous n'encouragez pas le développement musical québécois? Dommage. Qui parlait d'idées nouvelles déjà?


Mais je suis payé pour le dire et l'écrire et c'est ce que le bon sens me dit. Si Pierre Boivin et les frères Molson continuent à se fermer les yeux sur la tangente prise par leur équipe sous la direction de Bob Gainey, c'est le fan connaisseur et si amoureux qui va être pénalisé. C'est vous, les vrais passionnés. Gainey va garder tous les pouvoirs et le club va rester médiocre.

>>En ce moment, le club est très ordinaire. Mais ça peut changer très vite dans la LNH. Pas plus tard qu'à la mi-janvier (ce n'est pas si loin, c'est quoi, une demi-saison?) l'équipe était parmi les meilleures de la LNH et les Penguins ne faisaient même pas les séries. On peut attendre quelques mois encore avant de porter un jugement définitif?


Eux autres vont quand même remplir leurs coffres avec le cash du monde.

>> Ça s'appelle le capitalisme. Et ça vous permet de rouler en Harley en Floride, ça ne doit pas être si mal.

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