2011-10-19

Le retour du journalisme douteux

Avec un mauvais début de saison pour le CH, c'était une question de temps avant qu'un journaliste prenne le raccourci facile de parler des déboires de l'équipe et du "pas assez de francophones". Sans surprise (puisque Réjean est entre deux jobs), c'est Bertrand Raymond qui a repris le flambeau.

Au début c'est une comparaison Serge Savard - Pierre Gauthier. Là-dessus, plutôt d'accord avec ce qu'il dit.

Ensuite, il parle des Nordiques.

Il est de notoriété publique que le départ des Nordiques de Québec a fait très mal au Canadien. Sans la présence de ce rival teigneux à l'autre extrémité de l'autoroute, le Canadien n'a pas ressenti la même obligation de progresser année après année et de gagner coûte que coûte.

Si les Nordiques avaient continué de lui mettre un fer rouge aux fesses, l'équipe la plus titrée du hockey n'aurait probablement pas traversé une séquence embarrassante de 18 saisons consécutives sans coupe Stanley.


BULLSHIT. Faire les séries et avancer, c'est payant en ta', comme dirait l'autre. C'est ça qui motive l'équipe, un gros signe de $. Pas de savoir qu'il y a un autre club au bout de la 20. Je mets quiconque au défi de me prouver directement le lien de causalité entre le départ des Nordiques et la durée entre deux Coupes.

Savard l'a confirmé en y allant d'une déclaration que personne chez le Canadien n'avait faite jusque-là. «Dans le temps, notre grande peur, c'était que les Nordiques deviennent l'équipe du Québec», avoue-t-il.

Pour contrer cette peur, Savard s'est appliqué à repêcher le plus de joueurs francophones possible. Durant ses 13 saisons en poste, il en a réclamé 43, dont Patrick Roy, Claude Lemieux, Stéphane Richer, Benoit Brunet, Éric Desjardins, Sergio Momesso, José Théodore et Patrice Brisebois.

Faut croire que cette peur a pris fin à la fin des années 80. Théodore a été repêché en 94. Les autres, tous avant 1990. Les francophones ayant fait la LNH, repêchés par Serge Savard après 1990? Gilbert Dionne (4ème ronde, 90), Yves Sarault (3ème ronde, 91), Christian Proulx (7ème ronde, 92), Sébastien Bordeleau (3ème ronde, 93), José Théodore (2ème ronde, 94), Stéphane Robidas (7ème ronde, 95). Six gars, et dans le cas de Proulx, c'est pour 7 parties. Par contre en première ronde, de 89 à son départ, Lindsay Vallis, Turner Stevenson, Brent Bilodeau, David Wilkie, Saku Koivu, Brad Brown, Terry Ryan. Vraiment le signe d'une équipe qui a peur de perdre son marché.

Savez vous quoi? J'ai hâte en maudit que les journalistes arrêtent d'idôlatrer Serge Savard et réalisent enfin qu'à la fin de son règle, il repêchait mal en maudit. À part Koivu, ça vaut pas cher...


Les faits lui donnent raison. Depuis son congédiement, il y a 16 ans, les seuls Francophones repêchés par le Canadien qui ont patiné dans la Ligue nationale, Mike Ribeiro, François Beauchemin, Maxim Lapierre et Guillaume Latendresse, ont tous été envoyés ailleurs pour des miettes. Imaginez, quatre Québécois du calibre de la Ligue nationale seulement en 16 ans.

Y'a Mathieu Garon aussi. Et Éric Chouinard. Et Gordie Dwyer. Et Jonathan Ferland. Et Mark Streit, qui parle français mais comme il est suisse, j'imagine que ce n'est pas du vrai français. Ah oui, Mathieu Carle aussi. Yannick Weber, qui a le syndrôme Mark Streit. Louis Leblanc va bien finir par ne plus être blessé un jouer, et Gabriel Dumont n'est plus loin de la ligue.

Et ceci n'inclut pas les joueurs non-repêchés mais signés. Cédric Desjardins, David Desharnais par exemple.

Vous parliez de faits, monsieur Raymond?

M'enfin, je suis d'accord avec vous sur un point. Les bons joueurs francophones se font rares avec le CH et c'est vrai qu'on en a échangé pour des peanuts (ou par Peanut). Mais si on les regarde, les bons joueurs francophones, justement? J'ai remonté de 1998 à 2008 (j'exclus les repêchages trop rapprochés, le temps que les jeunes vieillissent et fassent la ligue) et j'ai répertorié les bons joueurs québécois repêchés, ceux qui ont un impact auprès de leur club et qui ne sont pas des réservistes.

2008: Aucun québécois vraiment significatif jusqu'à maintenant
2007: David Perron. Le CH aurait pu le prendre mais a pris Pacioretty. Je ne considère pas ça comme une erreur.
2006: Derrick Brassard. Repêché avant que le CH ne puisse parler.
2006: Jonathan Bernier. Repêché avant que le CH ne puisse parler.
2006: Claude Giroux: Pas un québécois, mais quand même... le CH a préféré Fischer. Une erreur.
2005: Marc-Édouard Vlasic: En première ronde le CH a repêché Price. Vlasic a été pris en deuxième ronde, avant que le CH ne parle.
2005: Guillaume Latendresse: Repêché par le CH.
2005: Kris Letang: Le CH a repêché Latendresse, Letang a été repêché en troisième ronde avant que le CH ne parle.
2004: Aucun québécois vraiment significatif jusqu'à maintenant
2003: Marc André Fleury. Repêché au tout premier rang, avant que le CH ne puisse parler.
2003: Patrice Bergeron. Repêché en deuxième ronde... le CH a préféré Andrei Kostistyn et Cory Urquhart. Erreurs.
2003: Maxim Lapierre: Repêché par le CH.
2002: Pierre-Marc Bouchard. Repêché avant que le CH ne puisse parler.
2002: Maxime Talbot: Repêché en 8ème ronde. On s'entend-tu que rendu là, tout le monde l'a laissé passer bien des fois?
2001: Jasom Pomminville: Repêché en deuxième ronde par Buffalo. Avant lui, le CH a pris Komisarek, Perezhogin et Milroy. Erreur.
2000: Antoine Vermette: Repêché en deuxième ronde par Ottawa. Avant lui, le CH a pris Hainsey et Hossa. Erreur.
1999: Aucun québécois vraiment significatif jusqu'à maintenant
1998: Vincent Lecavalier. Repêché au tout premier rang, avant que le CH ne puisse parler.
1998: Alex Tanguay. Repêché avant que le CH ne puisse parler.
1998: Simon Gagné. Le CH a préféré Éric Chouinard. Francophone pour Francophone, ça ne compte pas.
1998: Mike Ribeiro: Repêché par le CH.
1998: François Beauchemin: Repêché par le CH.

Bref, quels francophones de la LHJMQ le CH a-t-il échappé alors qu'il aurait pu les avoir? Claude Giroux, Patrice Bergeron, Jason Pominville et Antoine Vermette. Maxime Talbot à la rigueur, mais comme c'est un joueur interchangeable.

Oui, une ligne Bergeron-Giroux-Pominville, ça serait joli. Mais tant qu'à faire du révisionisme, à la place de Bergeron-Giroux-Pominville, juste avec des joueurs disponibles la même année, ça pourrait être Getzlaf-Lucic-Hemsky. Pas mal moins francophone, mais encore plus solide. Et à la place de Vermette? Peut-être un défenseur... Lubomir Visnovsky et ses 424 point en carrière peut-être?

Si on regarde cette liste de 19 joueurs francophones d'impact, le CH en a repêché 4. C'est 21%. Le CH, qui est une équipe sur 30, a repêché 1 joueur francophone d'impact sur 5 depuis 13 ans. Et si on enlève ceux qui n'étaient plus disponibles, ça donne quoi? Les joueurs d'impact disponibles étaient Perron (et ici le choix de Pacioretty a quand même été bon, mais faisons comme si c'était une erreur), Giroux, Latendresse, Bergeron, Lapierre (impact marginal, mais quand même), Talbot (impact marginal, mais quand même), Pominville, Vermette, Ribeiro et Beauchemin. J'exclus Simon Gagné car le CH a pris un autre francophone à la place. Le CH a donc repêché 4 de ces 9 joueurs d'impact disponibles. 44%

Morale de l'histoire: ça se peut-tu qu'au Québec, on forme juste moins de bons joueurs qu'avant?

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