2010-09-16

Et c'est au Temple de la Renommée?

Chronique du jour (de la veille en fait) sur RDS, vraiment dans l'air du temps du "méchant-CH-qui-n-aime-pas-les-francophones-ou-juste-les-québécois-si-on-compte-pas-Pouliot-ce-sale-sous-homme-car-il-est-né-du-mauvais-bord-de-la-rivière-des-Outaouais". C'est signé Bertrand Raymond, un autre Môssieur Temple de la Renommée. La première partie est suintante de mauvaise foi, l'autre, c'est mieux.

Sachez d'abord que mon opinion, c'est que oui, ça serait le fun d'avoir plus de joueurs québécois avec le CH. Mais je n'en fais pas une fixation et je réalise surtout que 1-) il n'y en a pas beaucoup de disponibles, 2-) ils ne veulent pas nécessairement jouer ici, 3-) encore faut-ils qu'ils soient bons et là-dessus, il y a du travail de développement à faire. Ma priorité, c'est d'avoir d'abord une ÉQUIPE. La bonne vieille question que Foglia pose si souvent et qu'aucun journaliste sportif ne pose: coudonc, cette équipe en est-elle une?


Quand Québec a perdu sa concession professionnelle de hockey, je me souviens de m'être inquiété sur-le-champ de l'attitude que la direction du Canadien allait adopter en occupant seule le territoire du Québec.

>>Eille! Les Nordiques sont partis! Vite, maintenant qu'on peut on change tout de suite notre méthode de gestion en se crissant du public!

Les Nordiques avaient souvent forcé le Canadien à s'ajuster. S'il y avait trois Québécois dans cette formation, le Canadien s'assurait d'en avoir le double. Quand il y en avait cinq, Montréal en comptait plus de 10.

>>Ok. Est-ce qu'on s'entend que ça fait 15 ans qu'ils sont partis? Et encore plus longtemps qu'ils sont arrivés? Ça se peut-tu que le bassin démographique de la LNH soit maintenant à peine un tantinet genre complètement différent? Genre l'arrivée massive des européens et la création de programmes de hockey de qualité aux USA?

Au niveau de la direction, les Nordiques avaient encore servi des leçons au Canadien sur le plan de la langue. Au début des années 80, Québec avait un président francophone, Marcel Aubut. À Montréal, c'est un haut dirigeant de Molson, Morgan McCammon, qu'on avait assis dans la chaise présidentielle. Maurice Filion, un homme de hockey expérimenté, était le directeur général des Bleus. Il se retrouvait face à Irving Grundman qui avait succédé à Sam Pollock après s'être forgé une solide réputation dans l'administration de salons de quilles. Québec avait un Tigre derrière le banc. Montréal avait Bob Berry.

Le Canadien a finalement croulé sous la pression populaire. Ronald Corey est venu remplacer McCammon, Serge Savard, épaulé par deux adjoints francos, Jacques Lemaire et André Boudrias, a succédé à Grundman. Peu de temps après, Lemaire a remplacé Berry.

>>Encore des exemples du début des années 80. Ça fait quasiment 30 ans. Ça se pourrait-tu que nos journalistes sportifs vivent dans le passé un ti-peu? Et en passant, Serge Savard repêchait des boeufs de l'ouest pas bons en première ronde. Pourtant, personne ne semble lui reprocher ça maintenant. Saint Serge, priez pour nous.

Il n'y aurait jamais eu d'urgence à franciser la direction des Flying Frenchmen de l'époque si les Nordiques n'avaient pas existé. On n'aurait probablement pas maintenu un nombre considérable de joueurs francophones si, sur le plan marketing, la carte de la province n'avait pas commencé à être tapissée de bleu.

>> C'est quoi le nombre de joueurs francophones des Nordiques? À part Michel Goulet, qui ont été les grosses vedettes des Nordiques, surtout à la fin quand la ligne commençait à devenir plus internationale? Les Stastny? Sundin? Sakic? Foote? Nolan? Forsberg? Hunter? Tugnutt?

Mes craintes étaient justifiées. Depuis 15 ans, on n'a jamais ressenti trop d'empressement chez le Canadien à retourner ou à se maintenir au sommet. Il n'y a rien comme une vive concurrence pour garder la compétition sur un pied d'alerte, pour s'assurer de maintenir de hauts standards de qualité et pour gagner sur une base régulière. Or, cette concurrence, partie pour le Colorado, n'existait plus.

>> Concurrence? Pourtant, le staff à continué d'être du Québec. Houle, Tremblay, Vigneault, Therrien, Carbonneau, André Savard, Gauthier. Et on s'entend que Martin et Julien ne sont pas québécois, mais c'est tout comme. À moins qu'eux aussi soient des sous-hommes non-québécois puisqu'ils sont nés du mauvais bord de la rivière des Outaouais. Et on s'entend-tu pour dire qu'en termes de hauts standards de qualité, Réjean Houle, aussi sympathique et francophone soit-il, n'en faisait pas partie?

Est-ce vraiment une coïncidence si, en 14 saisons, il y a eu six exclusions des séries à Montréal, soit cinq de plus qu'au cours des 47 saisons précédentes.

>> Parce que les Nordiques sont partis le CH est devenu poche? L'art de prendre deux trucs distincts et d'essayer de faire croire qu'il y a un rapport! Regardez, moi aussi je suis capable: 1995-96, c'est aussi le début de l'internet grand public. Est-ce vraiment une coïncidence si, en 14 saisons, il y a eu six exclusions des séries à Montréal, soit cinq de plus qu'au cours des 47 saisons précédentes. La raison pourquoi le CH a été si poche, c'est la présence d'un DG poche (Houle) combiné aux choix au repêchage tout aussi poches du DG précédent qui ont fait en sorte que l'équipe n'avait aucune relève.

Pendant ces années sombres, l'événement marquant chez le Canadien a été le déménagement de l'équipe du vétuste Forum au chic amphithéâtre de la rue de La Gauchetière, ce qui a donné lieu à des célébrations nostalgiques qui ont contribué à faire oublier tout le reste. Ces saisons de misère ont été subtilement refoulées sous le tapis grâce à d'efficaces opérations de marketing qui ont finalement fait du Centre Bell une machine à engranger des dollars.

>> La construction du Centre Bell a commencé en 93. Les Nordiques étaient encore dans le portrait à ce moment là. Le CH a fait de la pub pour améliorer l'image de l'équipe qui en arrachait? Quel drame! C'est la première compagnie / organisation / équipe / business qui fait ça de l'histoire de l'humanité, right? Scandale! Et quel est le problème à ce que le Centre Bell soit une machine à faire du cash? Si c'est rentable, tant mieux!


Les Nordiques, une affaire sûre

Depuis une quinzaine d'années, combien de fois ai-je écrit que le départ des Nordiques nous avait privés d'un meilleur spectacle à Montréal? Combien de fois ai-je souhaité qu'ils soient là pour garder le Canadien sur un pied d'alerte et pour raviver la rivalité qui soulevait le Québec et qui faisait saliver les médias.

>> Sûrement beaucoup, compte tenu de la prodigieuse capacité des journalistes sportifs québécois (à quelques exceptions près) à se répéter et à réutiliser les mêmes histoires année après année.

Je n'attache pas trop d'importance à la bataille que livre le maire Régis Labeaume dans le but de faire payer l'amphithéâtre de ses rêves par les autres. Comme pour tout le reste depuis qu'il est en poste, il finira pas obtenir ce qu'il désire. Ce n'est donc qu'une question de temps avant que les Nordiques renaissent de leurs cendres dans la peau d'une équipe en difficulté.

>> Pas si sûr. On a eu deux équipes en grosses difficultés récemment aux USA: Nashville et Phoenix. Les deux sont encore bien en place même si ça va tout croche et même si de riches investisseurs canadiens étaient intéressés. La phrase "ayez un aréna pour avoir une équipe", Bettman ne l'a pas sortie juste à Québec.

Ce qui ne veut pas dire, malheureusement, qu'ils ne seront pas appelés un jour à subir le même sort que les anciens Bleus. Il faut se poser la question: une équipe de la Ligue nationale est-elle viable à très long terme à Québec?

>> Là, je suis d'accord avec vous. Il faut se poser cette question.

Les amateurs de hockey, qui rêvent de profiter d'une seconde chance, seront probablement outrés par la question. Pourtant, qu'est-ce qui leur permet de croire qu'il s'agit d'une aventure sûre à 100%? Sans doute que la passion qui les anime les incite à ne tenir compte que des aspects positifs d'un tel retour.

Quand le calendrier de la ligue obligera l'équipe à disputer trois parties locales dans la même semaine, combien de passionnés pourront se payer trois billets à 150$? Combien y aura-t-il de sièges inoccupés lors du troisième match?

Les entreprises qui ont déjà pris l'engagement de louer des loges corporatives pourront-elles honorer ce fardeau financier durant plusieurs années?

>> Et le marché corporatif est-il assez gros à Québec? Aucune crainte au niveau de sièges individuels, Québec EST une ville de sports et la passion est là. Mais ce qui paie une équipe de hockey, ce ne sont pas les billets individuels, ce sont les loges. Si une crise économique arrive (et ça finit toujours par arriver), il faut avoir un bassin assez large pour remplacer les entreprises qui quittent et avoir quand même une liste d'attente. Mon doute, il est là.

Le tarif des loges fixé pour le prochain édifice étant nettement inférieur à celui exigé au Centre Bell, par exemple, les revenus de l'équipe seront forcément inférieurs à ceux du Canadien. Dans un amphithéâtre, qui devrait contenir 3 000 sièges de moins qu'au Centre Bell, il s'agira d'un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions de dollars par saison par rapport au Canadien.

Les dépenses des deux organisations seront pourtant les mêmes. Revenus en argent canadien, salaires en devise américaine. Quand il y aura de nouvelles chutes du huard, ça risque de faire plus mal à Québec qu'à Montréal, le Canadien étant déjà bien assis sur des revenus annuels mirobolants.

>> Plutôt d'accord. Quoique certaines équipes à la masse salariale moindre font bien si elles sont bien gérées. Mais si une équipe faisait bien avec une masse moindre, elle ne serait pas menacée de déménagement. Une équipe qui va arriver à Québec, ça va probablement être une équipe poche avec des administrateurs très moyens.

Pour présenter une formation compétitive, la masse salariale des prochains Nordiques devra se situer beaucoup plus près du plafond salarial que du plancher établi par la ligue. Peut-on logiquement croire que cela est possible dans un marché comme Québec?

J'établis des chiffres comparatifs avec le Canadien pour illustrer qu'une organisation pourtant historique a traversé l'enfer avant d'imprimer des dollars, comme elle le fait aujourd'hui. Avant l'établissement du plafond salarial, les saisons dans le rouge étaient monnaie courante à Montréal. Si Molson n'avait pas vu à garder coûte que coûte l'équipe à Montréal, qui sait ce qui serait advenu du Canadien?

Si jamais la situation financière des Nordiques passe par les mêmes tourments, qui les protégera? Celui qui se dit intéressé par l'achat de la concession n'est pas reconnu pour sa patience quand l'une de ses entreprises ne lui rapporte pas quelques millions de plus.

>> Très bon point, et vous en savez quelque chose.

Chose sûre, les Nordiques n'auront pas un propriétaire qui, contrairement à la famille Molson, ressentira l'obligation morale de garder l'équipe à Québec à n'importe quel prix.

>> Donc, viable ou pas? Votre titre et votre article vont dans deux sens. J'aimerais revoir les Nordiques (mais j'anticipe déjà avec horreur le power-matraquage médiatique convergent de Québécor), mais je crois qu'il faut y aller avec une très grande prudence dans ce dossier.

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